Cendrillon, pour ses 20 ans, est la plus jolie des enfants... [Clos]

Mesdames et messieurs, voici la fin du spectacle. Rideau ou plutôt noir. Oh… Nous devrions peut-être revoir le scénario… Ce n’est pas une fin, ça. Tout le monde est resté sur sa faim et se pose la question de ce qui allait se passer ensuite. Avez-vous la mémoire si courte que cela ? Bon… Je vais vous la rafraîchir. Jake, un beau jardinier 100% hétéro qui tombe sur Rei, un psychologue bisexuel collectionnant les conquêtes d’un soir. Ils se retrouvent dans un décor plus que sulfureux : les bains publics.
Bon… Dis comme ça, c’est vrai que cela fait un peu trivial mais, chers lecteurs, ayez donc un peu l’imagination yaoiesque pour essayer de comprendre ce qu’il se trame dans nos petites têtes, à nous, petites joueuses romantiques : Jake qui sauve Rei d’un vieux pervers. Rei sous le charme de son prince charmant, des jeux amusants dans l’eau, une chute, un baiser. Rei qui panique, qui a peur de la réaction de son ami qui, est, nous le rappelons, bien hétérosexuel. Pourtant, rien ne se passe. Jake semble être « compréhensif » alors qu’en réalité, il ne cherche même pas à comprendre ce que ressent le jeune psychologue… Une dispute, Rei qui essaye de partager ses sentiments, qui s’enfuit une fois, qui retente de s’expliquer, qui part une nouvelle fois et là, c’est le drame… Peut-être à cause de l’émotion, ou peut-être de la chaleur du bain ou peut-être était-ce une simple crise d’hypoglycémie ! Rei s’évanouit.

Nous sommes donc à cet instant précis. La pièce devrait-elle s’arrêter ? Non… Je ne pense pas… Ce serait vraiment trop cruel !

Le psychologue se fit donc porter par le beau jardinier qui l’emmena chez lui. Bien sûr, il ne ressentait plus les sensations, n’étant plus vraiment de ce monde et tout lui sembla naturel. Il n’entendit pas non plus les appels paniqués de son ami, ni le coup de fil au médecin. Pas plus qu’il n’ouï les recommandations de celui-ci sur le comportement à adopter lors de son réveil.
Ce n’était pas grave, il était juste de nature un peu fragile et il avait subit une trop grosse dose de stresse. Prescription ? Du repos, du repos et du repos !

Plongeons-nous maintenant un instant dans l’esprit de Rei. Esprit plutôt torturé qui faisait des rêves à la hauteur de celui-ci. C’était plutôt vague, par flash, il ne comprenait pas vraiment mais il se retrouva dans le gymnase de l’académie. Jake faisait de la boxe, ou le sport de combat avec lequel il avait attaqué le vieux pervers et il semblait concentré. Le psychologue observa son torse virile musclé et trempé par la sueur, son air concentré et féroce, son œil azuré qui possédait une lueur de défi tandis que l’autre était caché. Il l’admirait et se sentait tellement bien… Jusqu’à ce qu’il remarque que les punching-balls étaient à son effigie et qu’il voit le jardinier se rapprocher de plus en plus de lui, un air féroce et menaçant affiché sur le visage.

Lâchant un gémissement dans son sommeil, il se retourna brusquement pour finalement se détendre un peu, il changeait de rêve.

Il retournait dans le passé, en enfance, il revivait des souvenirs bien pénibles. Il était traité comme un monstre par les enfants français car il était différent : plus féminin, plus pâle, les yeux en amande, plus petit. On l’insultait de fille, de monstre. C’était anodin, Rei savait que ce n’était rien que des insultes d’enfants mais pourtant, il se sentait tellement déstabilisé car peu importe où il regardait, il ne trouvait aucun regard empli d’admiration, d’amour ou de simple sympathie. Tout le monde semblait le détester. Il n’était qu’un monstre, un mutant, un indésirable…

Nouveau gémissement et il s’agita, semblant chasser une mouche. Après un instant de lutte contre l’invisible, il se calma de nouveau pour repartir vers un nouveau songe.

Encore Jake… Décidemment, ce jeune homme hantait également ses moments intimes. Il arrivait avec un grand sourire vers le psychologue. Un de ces sourires qui découvrait ses superbes dents, un sourire qui lui faisait tourner la tête. Il était beau à en mourir. Rei se sentait rempli de bonheur rien qu’en le voyant s’avancer ainsi vers lui et il alla à sa rencontre. C’est alors qu’il remarquait que le jeune homme tenait la main de quelqu’un. Il suivit alors le bras pour remarquer une superbe bimbo blonde, un mannequin de magazine parfait. Une blonde aux yeux bleus sexy et aux seins énormes. La féminité incarnée. Il présentait alors la personne à Rei en lui disant que c’était la femme de sa vie, qu’il l’avait rencontré il y avait peu mais qu’il était immédiatement tombé sous son charme et qu’il comptait se marier avec elle, lui faire des enfants et passer tout le reste de sa vie avec.
Le jeune homme aux longs cheveux d’ébène, totalement impuissant, sourit simplement tandis que Jake lui disait qu’il tenait à ce que Rei soit son témoin, il était son ami, après tout et il voulait le voir à son mariage. Il se mettait alors à rire et la bimbo suivait son rire, ils étaient sinistres, effrayants, ils se transformèrent en ombres qui tournèrent autour du jeune homme qui tombait à terre, se tenant la tête entre ses mains, se retenant de hurler. Il n’en pouvait plus…

« Non ! »

Retour brutale à la réalité. Avant de comprendre ce qu’il se passait, le psychologue s’était déjà levé hors du lit. Il sentit que son cerveau n’avait malheureusement pas suivit et il perdit l’équilibre pour retomber, assis, sur le lit. Se tenant la tête entre les mains, il lâcha un grognement de douleur. Groumpf… Quelle idée de se lever aussi vite ? Il avait l’impression que son cerveau venait d’imploser. Soupirant, il releva la tête pour essayer de repérer les lieux. Un moment de silence. Il ne les reconnaissait pas.

Un petit effort, Rei, rappelles-toi de ce qui est arrivé lorsque tu étais encore conscient ! Et là, tout revint en mémoire : le baiser, les paroles, la fuite et le noir. Il s’était évanouit. Oui, au lieu de fuir en rentrant chez lui, son corps avait décidé de prendre les choses en main et il s’était tout simplement évanouit. Pathétique…
Paniqué, il se demanda chez qui il pouvait être. Il chercha partout autour de lui et remarqua la porte. Bon… Déjà, bonne nouvelle. Il savait par où s’enfuir. Moins bonne nouvelle, la porte était encombrée… Encombrée par Jake qui tenait une boisson chaude dans ses mains en le regardant avec un air quelque peu surpris. Normale, en même temps, vu le réveil brutal qu’il venait d’avoir.

Se passant les mains sur le visage, il poussa un long soupire avant de lâcher un vague :

« Et merde ! »

Nouveau soupire. Il était vraiment embêté par la tournure des évènements et il était plutôt gêné, ne sachant pas vraiment quoi dire et comment réagir. Son cerveau ne lui dictait qu’une chose : s’enfuir. S’enfuir d’ici le plus rapidement possible. C’est pourquoi il déclara :

« Excuse-moi… Je ne vais pas t’embêter plus que ça. Merci de m’avoir ramené chez toi… Je vais rentrer, je vais mieux. »

Et il se leva pour essayer de passer par la porte. La porte encombrée par Jake. Celui-ci ne semblait pas décidé à se déplacer. Si bien que Rei demanda :

« Euh… ? »

Bon… Il savait bien que Jake ne le laisserait pas partir comme ça mais, on pouvait toujours tenter, n’est-ce-pas ? Le problème, était aussi qu'il ne se sentait absolument pas bien et qu'avant qu'il ne puisse comprendre ce qu'il lui arrive, il bascula en avant pour tomber sur Jake...Eh bah bravo, le psy !

Rei n’avait qu’une chose en tête : la fuite. Il voulait à tout prix s’enfuir d’ici afin de pouvoir enfin se reposer et essayer de comprendre ce qu’il se passait à l’intérieur de lui. Pourquoi ce mal-être constant, cette douleur en lui, pourquoi est-ce que Jake s’obstinait tant à hanter ses pensées ? Il n’en avait aucune idée et cela l’embêtait bien. Il voulait comprendre, il voulait pouvoir s’isoler pour y réfléchir calmement. Tout cela était décidemment bien trop compliqué pour lui.

Le jeune homme essaya donc de passer la porte de la chambre afin de rentrer chez lui mais le jardinier continuait de bloquer la porte. Et puis ce n’était pas tout, il se sentait à nouveau vaciller. Le jeune borgne ne le remarqua même pas et il commença à lui imposer de rester ici, citant un médecin qui semblait être venu ici et avait prescrit du repos. Intimidant à Rei l’ordre de retourner au lit, il s’avançait de plus en plus, le forçant à reculer. Il finit même par le pousser et, même si la pression contre son torse avait été brève, le psychologue perdit l’équilibre et il tomba en arrière, assit sur le lit. Jake précisa :

« Et puis j’ai fermé la porte à clef et j’ai la clef sur moi. »

Ecarquillant les yeux, le jeune homme aux longs cheveux d’ébène recula un peu la tête pour observer silencieusement son interlocuteur. Quoi ? Il n’aurait pas osé le séquestrer, tout de même ? Non, voyons, c’était impossible… Il n’aurait pas pu faire ça ! Mais qu’est-ce qu’il en savait, après tout ? Rei ne connaissait ce jeune homme que depuis quelques temps, il ne pouvait donc pas encore prévoir ses réactions, ni savoir si la chose était possible.
Pourtant, le psychologue ne paniqua pas et il décida de capituler. Il n’était pas dans l’état pour se rebeller ou s’enfuir. Il ferait mieux de rester encore un peu pour s’enfuir plus tard.

Rei jeta un coup d’œil à Minimiou qui s’était enroulé en boule à côté de lui et qui dormait à poings serrés. Comment pouvait-elle se sentir aussi confiante dans une situation du genre ? Bon… Il était vrai que Rei n’était pas spécialement paniqué, il se sentait même étrangement engourdi, comme si une chaleur réconfortante venait de prendre possession de son corps. Il prit la tasse qu’on lui donnait, répondant à la question par un marmonnement ressemblant vaguement à :

« Bien sûr… »

Il porta ses lèvres à la tasse et absorba une gorgée de thé. C’était chaud, même brulant mais pas assez pour lui faire mal. Au contraire, cela lui fit un bien fou et il frissonna. La chaleur du thé aidait à rendre son état semi-comateux encore plus agréable. Minimiou se mit à ronronner à côté de lui, tandis qu’il perdait ses yeux dans le vague. Il murmura enfin :

« Merci… »

Se perdant encore dans son état plus qu’agréable, il se dit qu’il manquait des bras et un corps chaud contre lui pour que son état soit parfaitement superbe. Secouant brusquement la tête, il revint à la réalité. Les ronronnements stoppèrent et il fixa sa tasse un moment.
Finalement, il se mit à parler :

« Je ne comprends pas pourquoi tu ne me laisses pas partir… Je ne vois pas pourquoi tu t’inquiètes pour moi. Nous ne pouvons même pas encore nous considérer comme des amis et d’ailleurs, je pense que tu as très bien compris ce que j’essayais de te dire, tout à l’heure. »

Serrant la tasse entre ses mains, il baissa le regard, laissant ses cheveux dissimuler son visage. Il écarta une mèche qui trempait dans sa tasse et décida de garder le silence un moment. Il avait déjà tout expliqué au jardinier. Celui-ci était hétérosexuel, pourquoi ne l’avait-il pas tout simplement laissé ? Pourquoi n’avait-il pas appelé l’hôpital ? Il se serait débrouillé tout seul…
Rei était perdu, il se sentait brusquement malheureux et n’arrivait pas à comprendre pourquoi. Il n’était attiré que physiquement par Jake, alors pourquoi est-ce que ça bouillonnait tellement à l’intérieur de lui ? Pourquoi ressentir autant de choses ? Il ne comprenait pas, il ne voulait pas comprendre, il avait peur…

Jake ne comprenait pas ce que Rei essayait de lui dire. Il ne voulait pas lui demander pourquoi il le forçait à rester chez lui mais tout simplement pourquoi, il l’avait amené chez lui. Il pouvait très bien comprendre pourquoi le jardinier ne voulait pas le laisser partir, son état était plutôt inquiétant et aucune personne sensée ne l’aurait abandonnée. Mais, ce qu’il n’arrivait pas à saisir, c’était que le jeune homme ne l’avait pas laissé entre les mains de l’hôpital. Cela aurait été normal en vu de la situation, non ?

Il laissa un instant de silence avant de se mettre à continuer de parler. Il lui déclara que Rei lui avait fait peur lorsqu’il s’était évanouit. C’était tout à fait compréhensible. Il continua donc en précisant que c’était la raison pour laquelle le jeune homme devait rester ici. Jake ne voulait pas s’inquiéter davantage pour lui, il préférait donc l’avoir sous les yeux pour surveiller son état. A la fin de cette prise de parole, le psychologue ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. C’était tout à fait le genre de comportement héroïque qu’il détestait. Ce genre de personne avait le don pour lui taper sur le système. Ces pseudos justiciers qui semblaient capables de tout pour se sacrifier, c’était tout simplement écœurant. Mais alors, pourquoi le jeune français n’arrivait pas à lui en vouloir ? Pourquoi, malgré l’agacement, il sentait que ces paroles lui réchauffaient le cœur ? Il ne comprenait pas pourquoi ce jeune homme le touchait autant et cela avait le don de l’énerver encore plus, en même temps que l’attrister. Il avait envie de tout casser, histoire de se défouler un peu mais il savait que dans cet état, c’était tout simplement impossible.

Il étouffa un soupire.

Mais bientôt, la tristesse le rattrapa. Il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait mais il baissa les yeux pour essayer de dissimuler tout cela. Bien sûr, cela n’échappa au regard de son interlocuteur qui l’observait avec attention depuis le départ, craignant certainement un nouvel évanouissement de sa part. L’américain tenta de le consoler en déclarant que ce n’était pas grave. Qu’est-ce qu’il en savait ? Rei ne savait même pas ce qu’il lui arrivait alors qu’est-ce que Jake pouvait bien savoir du fait si la cause de sa tristesse passagère était grave ou non.

« C’est parce que t’as fait un malaise que tu fais cette tête ? Ou alors tu penses encore toutes ces choses ? »

Le jeune homme aux longs cheveux d’ébène ne prit pas la peine de relever le visage, toujours fixé sur sa tasse. De toute façon, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire, à ce mec, ce qu’il lui arrivait ? Il ne comprenait vraiment pas ces gens qui s’intéressaient ainsi à la vie des autres. N’avait-il pas déjà assez de problèmes dans sa propre vie pour essayer de s’occuper de ceux des autres ? Non, vraiment, Rei ne comprenait pas ces personnes qui avaient « le cœur sur la main » et elles l’énervaient un peu. C’était tout de même un peu pathétique de se sacrifier pour les autres, de chercher sans cesse à les protéger. Le psychologue n’aimait pas les autres.

Pourquoi avait-il décidé de faire ce métier ? Pour l’argent. Ou peut-être plus pour lui. S’il aidait les autres, c’était plus pour lui. Pour ne pas que les autres se retrouvent dans le même état que lui. Voir des milliers de Rei, ça le ferait tout de même vraiment chier. Et puis, le psychologue qu’il était pendant ses heures de boulot était totalement différent du vrai Rei, du Rei profiteur et égocentrique. Vraiment si différent ? Peut-être pas. Voyons, ce n’était pas le moment de commencer une introspection ! Pour le moment, il écouta la dernière phrase de Jake :

« C’est pas dans mes habitudes de continuer de fréquenter quelqu’un si je lui fais du mal contre mon gré, tu sais... »

Surpris, le jeune homme releva le visage. Il plongea son regard améthyste dans la perle azurée du borgne et se contenta tout d’abord de garder le silence. Une pique tentait à tout prix de franchir la barrière de ses lèvres pour cracher son venin. Cela le démangeait, cela brulait. Il fronça même les sourcils, introduisant son agacement. Mais pour qui se prenait-il, ce simple jardinier ? Il ne pensait tout de même pas qu’il était assez important pour lui faire mal ? Ce n’était qu’un simple nom de plus que le psychologue voulait ajouter à son tableau de chasse. Un nom, certes, un peu dérangeant car il le faisait se sentir mal mais Rei savait que la plupart de son comportement n’était qu’un vaste numéro pour arriver à ses fins. Un numéro où parfois la vérité se mêlait mais, c’était tout de même initialement un gros mensonge.

Tout de même vraiment agacé, il ne pu retenir un froid :

« Qu’est-ce que t… »

Avant de se stopper net. Il soupira. Tout cela commençait à l’agacer réellement. Ce jardinier n’était qu’un nom de plus dans son carnet d’adresses. Pourtant, il lui faisait un effet bizarre. Rei avait l’impression d’être sous son charme et ça, il n’aimait vraiment pas cela. C’était comme si les rôles avaient été échangés, sauf que Jake se fichait complètement de lui. Il lâcha un bref soupire avant de secouer la tête, laissant ses cheveux caresser ses cheveux et onduler un peu. Nouveau soupire. Puis il parla avec sérieux, peut-être un peu lassé :

« N’importe quoi. Comme si tu me faisais mal. Je te prévenais juste que tu ne me laissais pas indifférent. Ne t’imagines pas des trucs, Jake, je ne suis pas une midinette qui tombe amoureuse du premier mâle virile qui passe dans le coin. C’était juste un avertissement. Apparemment, cela ne semble pas réellement te gêner… Je ne comprends pas vraiment au vu de ta réaction de la dernière fois, quand tu m’as pris pour une femme. Enfin bon… Je ne chercherais pas à comprendre. »

Le psychologue avait parlé trop vite. Peut-être trop ou, il n’avait pas prit assez d’oxygène. Enfin, peu importe la raison, il sentit un vertige puissant le prendre et il cligna plusieurs fois des yeux, à toute vitesse, avant d’appuyer son coude sur son genou et de caler sa tête dans sa main. Prenant un peu la position du Penseur de Rodin, en beaucoup moins virile, plus habillé et plus chevelu. Il pensa à voix haute, sans vraiment s’en rendre compte :

« Wouaïlle… Faut que je me calme, moi… »

Et voilà, on le faisait parler un peu trop et il se retrouvait dans un état pas possible. Super la première sortie « entre mecs »…

"A force de te voir sans cesse en moi, j’ai l’impression de… De perdre les pédales."

Le jardinier possédait un don particulier. Un don inconnu de Rei qui se sentait un peu destabilisé, en tant qu'homme, face à ce nouveau cas de figure. Il avait le don de n'absolument rien comprendre à ce que racontait le pauvre psychologue et a arranger les choses de telles manières à ce que le jeune homme se sente complètement perdu et dérouté. Il avait le don de le faire douter, d'enlever toute assurance de lui. En effet, Rei avait beau essayer de comprendre sa manière de pensée, il ne saisissait absolument rien. Et ça l'énervait.
Comment pouvait-il s'excuser pour le quiproquo alors que le jeune homme aux longs cheveux d'ébène voulait simplement lui faire remarquer que ce jour-là, Jake avait semblé être vraiment en colère et, vraiment mal lorsqu'il s'était rendu compte de leur méprise ? Pourquoi semblait-il ensuite accuser Rei de ne pas savoir ce qu'il voulait, en lui faisant remarquer qu'il semblait pourtant avoir été heureux ce jour-là ?
Fronçant les sourcils, Rei ne pu s'empêcher de lâcher :

"Comment tu... Comment oses-tu... Pourquoi tu..."

Il laissa un instant de silence, essayant de remettre ses idées en place. Mais quel abruti ce borgne ! Déjà que sa présence le perturbait, qu'en plus, il avait un mal de crâne assez conséquent qui l'empêchait de réléchir correctement, il fallait en plus, que celui-ci se décide à l'embrouiller ?
Il continua, avec un air résigné :

"Laisse tomber... ça ne sert à rien."

Oui cela ne servait à rien de s'attarder sur ce sujet-là car ils ne semblaient vraiment pas sur la même longueur d'ondes et tout cela n'aurait fait qu'empirer les choses. Rei était persuadé qu'ils n'auraient jamais réussi à se comprendre....
Mais le pire restait à venir, en effet, lorsque Jake commença à déclarer :

« Que veux tu au final Rei ? Je ne te laisse pas indifférent mais je suis pas le seul mec sur terre... Alors pourquoi moi en particulier, tu voudrais couper si radicalement les ponts alors qu’en fait, tu m’as juste fait un piou. »

Cette fois-ci, ce fut le comble. Rei releva subitement le regard et le fixa avec un air réellement choqué. Avant même de pouvoir réfléchir correctement à ce qu'il ressentait, il ouvrait la bouche pour commencer à bégayer un vague questionnement pour finalement comprendre les paroles de Jake. Mais ce n'était pas tout, Jake continuait :

« Si tu perd trop tes moyens à chaque fois et qu’à chaque fois qu’on sort, tu finis toujours par vouloir t’enfuir, il vaut peut-être mieux arrêter tout de suite dans ce cas là, c’est pas mon délire de faire souffrir les autres, tu sais. »

Le psychologue soupira, laissa un silence s'installer entre eux pour finalement lâcher avec un air presque résigné :

"T'es vraiment un drôle d'oiseau, toi... Je crois que je n'ai pas supporté la chaleur des bains d'eau chaude, j'ai dû commencer à délirer, je me suis même évanoui et tu commences à aller directement aux conclusions. Certes, tu n'es pas mal, tu me plais bien mais... Je sais très bien que tu n'es pas le seul mec au monde et ça me passera. Disons que dans une semaine, la personne qui m'intéressera le plus sera certainement une jolie serveuse du coin, ou peut-être...Je ne sais pas, moi, un infirmier ? Si je voulais partir, c'est plutôt parce que la situation était gênante au vu de mes pensées à ton égard et à mon évanouissement mais ne va pas t'imaginer que je souffres atrocement ou que je ne veux plus jamais te voir, c'est ridicule !"

Il racontait peut-être un peu n'importe quoi mais, il fallait à tout prix se tirer de cette situation d'embarras, peu importe la méthode, afin de lui laisser réfléchir un peu plus posément à la chose et de pouvoir agir en conséquence...

Avec tout ça, il s’était un peu trop énervé et il avait gagné un beau mal de crâne. Jake parla d’une voix plutôt douce pour lui imposer :

« Calme toi... »

Plus facile à dire qu’à faire dans ce genre de situation. Rei ne savait plus vraiment où il en était et il n’avait qu’une envie, c’était s’enfuir le plus loin possible d’ici. Détaler à toute vitesse, s’enfoncer dans sa couette et pleurer un bon coup pour évacuer toutes les émotions négatives qu’il ressentait. Puis alors, seulement après, il décrocherait son téléphone pour appeler un collègue. Il prendrait un rendez-vous d’urgence auprès de lui et il lui déballerait toute la situation. Ils pourraient ensuite discuter dessus ensemble et le conseiller l’aiderait à ranger un peu tout ce qu’il avait dans la tête. Ensuite, il saurait comment réagir.
Mais pour l’instant, il ne voulait plus voir le jardinier. Il ne voulait plus l’entendre. Il ne voulait plus sentir sa présence à ses côtés. Le psychologue n’en pouvait plus. Trop, c’était trop.

Mais le borgne ne pouvait pas lire les pensées de son collègue, il ne pouvait pas ressentir toutes les émotions qu’il essayait pourtant de lui communiquer. Non, Jake n’arrivait pas à comprendre que Rei avait réellement besoin d’être seul. Bien au contraire, il avança sa chaise vers le lit où était assis le jeune homme aux longs cheveux d’ébènes, raccourcissant la distance entre eux deux. Il continua alors à parler :

« Si c’était juste un avertissement et bien je l’ai pris en compte, je te remercie... Quand je suis revenu te voir au cabinet, j’en avais déjà conscience. Est-ce que maintenant j’ai la certitude que tu n’essaiera plus de me fuir comme un pestiféré ? »

Le jeune homme aux yeux améthyste se contenta de fixer son interlocuteur en fronçant les sourcils. Il garda le silence et dévia son regard avec une certaine colère pour finalement écouter la suite des choses. Le garçon qui avait un œil en moins commençait à lui expliquer que cela ne le gênait pas que Rei soit homosexuel. A ces mots, une petite moue apparut sur le visage de celui-ci. Il n’était pas homosexuel mais bisexuel. Il savait très bien que les hétérosexuels ne pouvaient pas comprendre ce genre de choses. Pour eux, c’était la même chose. Mais pour les homosexuels, c’était également pareil. Un bisexuel, ce n’est ni un hétéro, ni un homo et chacun des deux opposés n’arrive pas à le comprendre. Ils sont entre les deux, ils sont différents. Ils sont un peu comme des extra-terrestres, presque des erreurs de la nature. Bien sûr, le psy avait l’habitude qu’on le traite ainsi. C’est pour ça qu’il garda le silence et qu’il se contenta de cette légère moue. Il ne s’arrêta pas sur ça et continua d’écouter.

Jake déclarait que le fait que Rei le trouve attirant n’était pas un problème. Il disait que ce n’était pas comme si le psychologue avait la ferme intention de le violer ou de le séquestrer. Bien sûr que non ! L’androgyne n’était pas un malade mentale, il n’aimait pas quand une personne n’était pas consentante, il ne pouvai imaginer qu’une personne ne pouvait être consentante. Alors forcément, il séduisait la personne. Mais comment faire lorsque cette fameuse personne était un homme hétérosexuel à cent pourcent sûr de sa sexualité… Cent pourcent sûr ? Non… Pas vraiment. L’éphèbe doutait sérieusement là-dessus mais ce dont il était sûr, c’était que l’autre faisait du kick boxing et qu’il ne supporterait certainement pas que le psychologue tente quelque chose. Alors il faudrait oublier ? Rester sur une défaite ? Mais Rei ne connaissait pas le mot défaite. Repli stratégique ou abandon, ok, mais pas le mot défaite. C’était hors de question de rester sur ça !

« Tout ce que je veux là, c’est que tu te reposes un peu le temps que tu tiennes sur tes jambes et je te raccompagnerai chez toi ensuite pour que tu puisses être tranquille et te reposer comme tu l’entends. »

Le jeune homme releva les yeux et fixa Jake. Il serra un peu plus la tasse dans ses mains et ferma les yeux un instant. Il lâcha un vague :

« Hm… »

Sa tête tournait, c’était affreux. Dès qu’il fermait les yeux, il perdait pied avec la réalité et il avait l’impression de sombrer dans un sommeil qui s’annonçait plutôt profond. Il n’avait pas nous la jouer à la Belle au Bois Dormant, tout de même, hein ? Il n’était pas une femme, encore moins une princesse, et il n’y avait pas de prince dans l’histoire. Pas de chance.
Il posa sa main fraîche sur son front brûlant, ça faisait du bien. Rouvrant brusquement les yeux, l’envie de partir continuait de se faire pressante. Il lâcha un soupire. Le borgne ne voudrait certainement pas comprendre que jamais Rei n’arriverait à se remettre de ses émotions s’il continuait à être dans le coin. Il avait juste besoin de calme, de repos. De retourner chez lui au plus vite.
Il avait l’impression que rien n’irait s’il ne se forçait pas à aller mieux. C’est pourquoi il finit sa tasse assez rapidement, il la posa sur la table de nuit avant de se lever. Une fois debout, il resta parfaitement immobile un instant pour fixer Jake avec un air de défi dans les yeux. Sa voix et son attitude restèrent pourtant très douces et il déclara :

« Je pense pouvoir tenir sur mes jambes. Tu n’as pas besoin de me raccompagner, Jake. Je connais parfaitement le chemin pour rentrer chez moi. Je vais y aller. On reste en contact et je t’appelle dès que je rentre si tu veux. »

Autant essayer de mettre toutes les chances de son côté pour que l’autre accepte. Rei était têtu. Têtu comme pouvait l’être Minimiou dès qu’elle se mettait une idée en tête. Idéfix, ça lui irait bien comme surnom. Il avait décidé de rentrer chez lui, il rentrerait chez lui. Et si Jake tentait encore de le retenir, eh bien, il s’assiérait gentiment pendant quelques minutes, lui ferait aimablement la conversation pendant quelques temps pour se relever de nouveau, lui rappelant encore l’envie de rentrer chez lui. Il savait très bien quelle serait la réaction de Jake, il s’y était préparé et de toute façon, il s’en fichait. Il voulait juste récupérer son lit. Etait-ce véritablement trop demandé ?

Avant même que Jake n’ait pu prononcer la moindre parole, Rei vit tout de suite qu’il avait gagné pour cette fois-ci. Un soupire. Rien que ça. Un soupire de lassitude. Il arrêtait de se battre pour cet instant, il abandonnait. Il le laissait tranquille.

"Très bien..."

Une immense vague de soulagement se fit sentir en le for intérieur du psychologue. Il se détendit un peu, aidant un peu plus pour son équilibre et suivit le jardinier qui le raccompagnait à la porte d’entrée. Minimiou suivait, tanguant un peu, certes, car elle ne se sentait pas au meilleur de sa forme.
Jake déclara :

"Fais attention à toi en rentrant."

Il gardait les sourcils froncés. Evidemment, il ne devait pas être très heureux de voir que Rei préférait la fuite. Mais s’il avait un extrait de ses pensées, il comprendrait peut-être que le jeune homme était beaucoup trop fatigué et embrouillé pour pouvoir tenir une joute verbale digne de ce nom. Il était en fin de semaine, il venait d’avoir pleins de cas dans son bureau, il n’avait pas eu de rendez-vous avec un psychologue depuis un bon bout de temps alors, il avait un peu de mal à suivre. Beaucoup trop, même.
Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de baisser les yeux, comme un enfant qui aurait fait une bêtise et il ne se sentait vraiment pas fier d’avoir réussi à s’enfuir. C’était plutôt lâche de sa part. Il n’arrivait d’ailleurs même pas à se dire que ce n’était pas une fuite mais un repli stratégique. Il savait très bien qu’il venait de partir à toutes jambes devant la difficulté. Mais ce n’était pas comme si c’était de sa faute, non ? Se forçant à relever le regard, il ne pu empêcher la lueur de défi, quoique un peu torturée, de quitter son regard alors qu’il répondait distinctement :

« Oui merci, au revoir. »

Malheureusement pour lui, il serait amener à le recroiser, c’était sûr et certain. Il ne pourrait pas le fuir indéfiniment. Cela aurait été plus pratique mais s’il l’avait su, au fond de son esprit, il aurait alors inconsciemment voulu reprendre contact avec lui. Rei, adepte du « suis-moi, je te fuis. Fuis-moi, je te suis » ? Non, il ne le pensait pas, du moins.
Il quitta donc son beau jardinier et retourna chez lui après un bon quart d’heure de marche. Une fois arrivé chez lui, il mit un kimono violet pâle avant de se jeter sur son lit et de s’endormir immédiatement. Il était vraiment fatigué.
Plus tard, dans la journée, il appela un spécialiste et prit un rendez-vous pour le lendemain soir. Il espéra secrètement ne pas rencontrer le jardinier dans la journée et passa la nuit en charmante compagnie afin d’essayer d’oublier le beau borgne qui était, décidemment, un peu trop présent dans son esprit…